Nicolas Sarkozy, dans l'émission "A vous de juger" diffusé sur France2
le jeudi 26 avril 2007 :
« Mais qu'est-ce que c'est que le communautarisme ? C'est
réduire quelqu'un à sa seule identité extérieure, c'est une absurdité.
Alors pourquoi ai-je défendu l'idée nationale, le rôle de la Nation ?
C'est parce que qui ne voit et qui ne comprend... que quand on dénigre
la Nation, quand on dénonce la Nation, quand on hait la Nation, chacun
se retranche sur sa communauté. La Nation, le respect de la Nation, la
fierté d'être français, l'identité nationale française, c'est la
meilleure réponse à la montée des communautarismes. C'est quand la
Nation s'affaisse que les communautarismes augmentent, cest parce
qu'on a dénigré la Nation qu'on a laissé monter le communautarisme. Or
il se trouve que je porte l'idée nationale française. [...]
On a divisé par trois le nombre de clandestins dans notre pays.
Mais je veux aller encore un peu plus loin : je souhaite, sur le
regroupement familial, que nul ne puisse faire venir sa famille s'il
ne possède un logement pour la loger (ou alors on accepte les squats).
Que nul ne puisse faire venir sa famille s'il ne dispose pas des
revenus de son travail, et non pas des allocations sociales, pour la
faire vivre. Et je souhaite, à l'image de ce qu'ont fait un certains
nombres de pays européen, qu'avant de faire venir sa famille, on
demande à ceux qui vont nous rejoindre d'apprendre le français parce
que la France, parce que le français, c'est la langue de la
République. [...] Chacun a le droit de faire venir sa famille [...] Ah
ça ! si vous me dites : "C'est une manière de limiter le regroupement
familial", certes. Si c'est une manière de l'interdire, non ! Le
regroupement familial, très bien, je n'ai pas de logement, je fais
venir ma famille, c'est normal ? Et je les fais vivre où ? [...] »
Concernant le "regroupement familial", il convient de rappeler tout
d'abord quelles sont les conditions *actuellement* nécessaires pour
tout ressortissant étranger (hors CEE) désireux de faire venir auprès
de lui sa famille :
1 - Il doit résider en France régulièrement depuis 1 année au moins.
2 - Il doit être en possession, au moment de sa demande, soit d'une
carte de résident soit d'une carte de séjour temporaire.
3 - Il doit disposer de ressources personnelles, stables et
suffisantes :
a- Il doit justifier de ressources d'un montant au moins égal au
SMIC, calculé sur la base des revenus perçus au cours des douze mois
précédant sa demande.
b- Il doit produire des justificatifs de ressources (avis
d'imposition, bulletins de salaire...).
4 - Il doit justifier qu'il dispose ou disposera à la date d'arrivée
de sa famille d'un logement considéré comme normal pour une famille
comparable vivant en France
a- Le logement doit disposer d'un poste d'eau potable, de WC et
d'un moyen de chauffage. Il n'est pas exigé un WC particulier ni une
alimentation en eau chaude.
b- S'agissant de la surface, il faut plus de :
16 m² pour 2 personnes
25 m² pour 3 personnes
34 m² pour 4 personnes
43 m² pour 5 personnes
etc...
5 - Il doit être en principe, soit propriétaire, soit locataire de son
logement, ou titulaire d'une promesse ferme de location, ou hébergé
par des parents (s'il peut prouver la stabilité du logement).
6 - Il ne doit pas être polygame.
7- Concernant les membres de la famille qui viennent en France :
a - Ils doivent subir un examen médical organisé en france aux
fins de s'assurer qu'ils ne sont pas atteints d'une maladie inscrite
au réglement sanitaire international.
b - Ils ne doivent pas constituer une menace pour l'ordre public.
Une fois ces multiples devoirs de l'étranger ci-dessus rappelés, on
peut légitimement se demander quelles mesures encore plus restrictives
sont envisagées par le candidat Nicolas Sarkozy. Quoiqu'il en soit,
sachant la crise du logement, le niveau des loyers et la faiblesse de
certains revenus salariés, on est en droit de considérer qu'il s'agit
bien là d'une interdiction déguisée du regroupement familial. Ou plus
exactement que le regroupement familial sera, de fait, plus interdit
qu'il ne l'est déjà pour une certaine catégorie de travailleurs
étrangers (manoeuvres, ouvriers, petit personnel...), tandis qu'il
sera autorisé pour une autre catégorie de travailleurs étrangers
(informaticiens, chercheurs, médecins...). De ces deux types
d'immigration nécessaire à l'économie du pays, l'une devrait-elle être
socialement stabilisée, tandis que l'autre, interdite de vie
familiale, serait condamnée à ne pas prendre racine et donc incitée, à
terme, à retourner d'où elle vient ? Si aucun républicain ne peut se
permettre aujourd'hui de revendiquer haut et fort un tel principe
"d'immigration jetable", rien ne semble, en revanche, s'opposer à sa
future application. Il se dessine, en effet, une société où
l'immigration deviendra la variable d'ajustement du marché du travail.
Autrement dit, ce que le gouvernement actuel de monsieur de Villepin
n'a pas pu réaliser sur le dos des jeunes avec le CPE, le gouvernement
futur le réalisera vraisemblablement, et avec beaucoup plus de
facilité, sur le dos d'une importante catégorie de travailleurs
étrangers. Car c'est aussi, vraisemblablement encore, en vue de
préparer les esprits à une politique beaucoup plus radicale à
l'encontre des étrangers, qu'a été réactivé la notion d'identité
nationale ; car, comme chacun sait ou devrait savoir : "le travail
identitaire se réalise par la mise en valeur des éléments désignant
ceux qui servent de repoussoir" (cf. Gérard Noiriel, in Réfugiés et
sans-papiers). Chacun devrait également savoir où ont toujours menés
les discours dans lesquels sont sans cesse associés, mais pour les
opposer, l'immigration et l'identité nationale, les français et les
clandestins, la Nation et les communautés... On peut donc, de bon
droit, être inquiet quant à l'avenir d'un pays au sein duquel
l'indifférence et le mépris feront de plus en plus figure de valeur,
d'un pays qui, au nom d'une "culture des résultats" généralisée
(culture dont on devrait déjà pourtant voir le danger et les limites),
d'un pays, donc, où aura bientôt disparue toute considération humaine
et où chacun d'entre-nous ne sera bientôt plus considéré que comme la
"variable d'ajustement" d'une impossible équation.